Autonomiser les femmes en Méditerranée : points de vue de l’Algérie et de la Turquie

À l’occasion de la Journée internationale de la femme, Interreg NEXT MED met en lumière l’intégration des femmes sur le marché du travail en Algérie et en Turquie à travers des entretiens avec Mme Kaassis et Mme Sözer, représentant les deux nouveaux pays membres. Ces discussions offrent un aperçu des défis et des progrès en matière d’égalité des genres sur le lieu de travail dans ces pays.

Date de publication
08/03/2024
Temps de lecture
6 minutes

L’Algérie et la Turquie ayant rejoint le programme Interreg NEXT MED, nous saisissons l’opportunité de présenter nos représentants des autorités nationales de ces 2 pays pour faire leur connaissance, connaître leur expérience, leurs attentes quant à la contribution du programme pour faire avancer l’intégration des femmes sur le marché du travail. Par exemple, l’Algérie garantit l’égalité de salaire aux femmes et aux hommes à travail égal. La Turquie affiche un pourcentage élevé de femmes sur le marché du travail. Dans un tel programme de coopération, nous apprenons toujours des expériences des autres.

Mme Kaassis, vous êtes le Point de Contact National (PCN) en Algérie pour le programme Interreg NEXT MED et vous travaillez au Centre National d´Etudes et d´Analyses pour la Population et le Développement (CENEAPED). Pouvez-vous expliquer brièvement votre parcours professionnel et votre rôle au sein du CENEAPED?

Je suis Nadia Kaassis, détentrice d’une licence en sciences économiques et d’un diplôme de Post Graduation Spécialisé (PGS) en management des entreprises. J’ai débuté ma carrière professionnelle au sein du Centre National d’Etudes et d’Analyses pour la Population et le développement (CENEAPED). J’ai eu l’opportunité d’être recrutée directement après avoir terminé mes études universitaires, sans être passée par une période de chômage. J’occupe actuellement le poste de cheffe de département des études de développement local et je suis en même temps le Point de Contact National (PCN) en Algérie pour le Programme Interreg Next Med.

Durant, mon parcours professionnel, j’ai dû passer par tous les échelons. Mon gain en expérience et le développement de mes compétences durant ce parcours ont renforcé mes capacités techniques et managériales à accéder au poste de responsabilité que j’occupe actuellement. Mon rôle est de diriger et de coordonner des équipes multidisciplinaires dans le domaine de la réalisation des études liées au développement local.

Au-delà du statut social et de l’amélioration de mes ressources financières qui m’ont permis d’être autonome et indépendante, mon travail au sein du CENEAPED, basé essentiellement sur des travaux de terrain m’a donné l’opportunité de connaitre une très grande partie des quatre coins de mon pays (Est, Ouest, Nord Sud), aussi bien sur le plan géographique que sur le plan socio-culturel, car l’Algérie est connue pour l’immensité de son territoire et pour sa grande diversité   socioculturelle.

En Algérie, la modification de la Constitution algérienne de mars 2016 a introduit l´article 36 : Art. 36. (nouveau) — L’Etat œuvre à promouvoir la parité entre les hommes et les femmes sur le marché de l’emploi. L’Etat encourage la promotion de la femme aux responsabilités dans les institutions et administrations publiques ainsi qu’au niveau des entreprises. Quelles bonnes pratiques mises en œuvre en Algérie souhaiteriez-vous partager avec le programme Interreg NEXT MED pour donner des pistes afin d´améliorer l´inclusion des femmes sur le marché du travail en Méditerranée ?

Il est vrai que la reconnaissance du rôle de la femme en Algérie et de l’ensemble de ses droits est consacrée à travers le dispositif législatif et réglementaire qui l’intègre comme acteur à part entière dans le processus de développement économique et social en garantissant les principes d’égalité et de non-discrimination entre la femme et l’homme. Ces droits sont garantis en premier lieu par la Constitution (articles 37,40). Le droit à l’accès à l’emploi est renforcé par la loi 90-11 du 21 août 1990 portant sur les relations du travail dont les articles 17 et 142 protègent la femme travailleuse de toutes formes de discriminations en matière de rémunération et de conditions de travail, lui garantissant ainsi, le droit à un salaire égal à celui de l’homme. De même en vertu de la loi, la femme algérienne a le droit d’avoir son patrimoine propre, de le gérer personnellement et d’en avoir le contrôle (le code civil dans l’article 674). C’est ainsi que l’Algérie a toujours œuvré pour la promotion et l’autonomisation de la femme. Dans ce sens, des mesures ont été prises par la mise en place de dispositif de création d’emploi et d’entreprenariat. La volonté d’entreprendre des femmes algériennes s’est effectivement concrétisée sur le terrain : selon les statistiques, entre 2019 et 2021, 64% des crédits de l’Agence Nationale de Gestion du Micro-crédit (ANGEM) ont été octroyés à des femmes. En plus d’avoir acquis un statut dans la société, cela démontre du bon accueil et de l’acceptabilité de la société algérienne à l’égard de la femme en tant que cheffe d’entreprise et d’entrepreneure.

Sur le plan de la participation de la femme à la vie politique, la loi algérienne garantit le principe de la parité femmes-hommes. Malgré sa présence dans les instances élues et dans le gouvernement, les résultats restent encore en deçà des aspirations de la femme.

L´Algérie participe au programme Interreg NEXT MED. C´est une nouvelle pour le programme. Quelles sont vos attentes en tant que PCN quant à la participation d´entités algériennes à des futurs projets NEXT MED en lien avec les femmes ?

Le programme Interreg Next Med est une opportunité pour les entités algériennes pour partager avec les partenaires méditerranéens leur savoir-faire et leur compétence pour l’atteinte des objectifs et des priorités fixées par le programme, dans le cadre d’actions et d’initiatives conjointes et communes.  J’espère que ces initiatives seront construites en associant la femme en tant que porteuse de projet et aussi en tant que bénéficiaire des résultats des projets.

Selon les premières réactions que j’ai eues suite à la journée d’information organisée à Alger le 8 février 2024 autour du Programme Interreg Next Med, je n’ai aucun doute que la femme algérienne marquera sa présence dans le 1er appel à propositions avec des idées de projet innovantes.

Madame Şebnem Sözer, vous êtes chef du département des programmes de coopération transfrontalière à la Direction générale de la coopération financière et de la mise en œuvre des projets – Direction des affaires de l’Union européenne. Vous représentez l’autorité nationale de Turquie pour le programme Interreg NEXT MED. Pouvez-vous nous parler de votre parcours professionnel et de votre poste actuel ?

Je suis architecte. Cependant, je n’exerce plus depuis que j’ai commencé à travailler dans mon organisation en 2006, qui s’appelait alors le secrétariat général aux affaires européennes. En tant qu’experte, j’ai été chargé de programmes de coopération transfrontalière. Au fil des années, l’unité de coopération transfrontalière a été créée en 2010, où j’ai été nommé coordinatrice et de jeunes collègues m’ont rejoint. En 2019, le département des programmes CTF a été créé et j’ai été nommé chef du département. Nous sommes passés d’une tâche individuelle à un grand département avec d’énormes responsabilités. Nous sommes en charge de négocier au plus haut niveau avec la Commission européenne, comme les accords de financement, jusque dans les moindres détails de mise en œuvre des projets. Nous avons la chance de voir le cycle complet de nos tâches, de notre travail acharné au bureau jusqu’aux résultats obtenus par les projets sur le terrain. Cela me donne, à moi et à mon équipe, la plus grande satisfaction au travail, car nous ne sommes jamais éloignés d’aucune partie du travail, sachant que cela signifie toujours quelque chose dans les régions éligibles. Cette satisfaction est ce qui maintient notre travail malgré tous les défis auxquels nous sommes confrontés.

Selon les données de la Banque mondiale de 2022, la participation des femmes au marché du travail en Turquie est de 33,2 %, ce qui est assez élevé par rapport aux autres pays méditerranéens alentours. Pourriez-vous s’il vous plaît partager quelques bonnes pratiques mises en œuvre dans votre pays pour contribuer à l’augmentation de la participation des femmes sur le marché du travail ?

La Turquie a adopté plusieurs plans d’action visant à l’autonomisation des femmes. Il s’agit notamment du document de stratégie et du plan d’action pour l’autonomisation des femmes. Ceux-ci sont couverts par les chapitres 23 (pouvoir judiciaire et droits fondamentaux) et 19 (emploi et politique sociale) au cours des négociations d’adhésion avec l’UE.

En ce qui concerne spécifiquement la participation des femmes au marché du travail, plusieurs législations et stratégies ont été appliquées pour encourager l’emploi et l’entrepreneuriat des femmes. Les travaux sont en cours pour la Stratégie nationale pour l’emploi 2024-2028 et la Stratégie pour l’autonomisation des femmes et le Plan d’action 2024-2028.

La Turquie a rejoint le programme Interreg NEXT MED. Quelles sont vos attentes concernant la participation des organisations turques à des projets liés à l’inclusion des femmes sur le marché du travail ?

Tout d’abord, permettez-moi de commencer par dire que nous sommes très heureux de rejoindre le programme Interreg NEXT MED. Dans nos deux autres programmes, à savoir les programmes Bulgarie-Turquie et CTF du bassin de la mer Noire, nous avons mené des projets liés à l’autonomisation des femmes. Pour citer quelques exemples, au cours de la période 2007-2013, nous avons eu un projet dans le cadre du programme Bulgarie-Turquie CTF, intitulé « La femme est une femme partout » dont deux ONG étaient les bénéficiaires, se concentrant sur les problèmes sociaux des femmes des deux côtés de la frontière et le développement de solutions communes.

Un autre exemple est tiré du même programme de la période 2014-2020, intitulé « ECO WOMAN – Initiatives pour gérer les ressources naturelles pour une vie meilleure » dont les bénéficiaires étaient une ONG de femmes (Bulgarie) et la Chambre de commerce d’Edirne (Turquie). Les activités du projet comprenaient des formations et des mises en œuvre liées à la protection de l’environnement, pour un marché du travail sensible à l’environnement et ciblant les femmes.

Un troisième exemple est celui du programme IEV Bassin de la mer Noire. Le titre du projet est « Connexion pour l’entrepreneuriat des femmes de la mer Noire – Autonomiser les femmes grâce au tourisme – WE TOUR ». KAGİDER (Association des femmes entrepreneurs de Turquie) est le bénéficiaire turc du projet.

Nous espérons avoir davantage de projets sur la participation et la coopération des femmes dans le programme Interreg NEXT MED. Sachant que ce programme met un accent particulier sur l’autonomisation des femmes, nous sommes impatients de mettre en œuvre des projets communs sur ce thème.

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